« La dette de cotisations et contributions destinées à assurer la couverture personnelle sociale d’un gérant majoritaire de SARL et dont le recouvrement est poursuivi par l’URSSAF est de nature professionnelle, de sorte qu’elle échappe en tant que telle à l’effacement consécutif à la procédure de rétablissement personnel dans le cadre du dispositif de traitement du surendettement des particuliers. »
C'est par ces termes que la Cour de cassation, dans un avis en date du 8 juillet 2016 (avis n° 16007, demande n° 16-70.005), a exclu les dettes sociales d'une gérante majoritaire de SARL du champ d'application de la procédure de surendettement des particuliers et a, par la même occasion, précisé le périmètre des dettes de nature professionnelle éligibles aux procédures du code de commerce.
Celle-ci considère en effet que les cotisations sociales étant "assises sur le revenu d'activité professionnelle au sens de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale et versées au titre d'une activité professionnelle selon la définition donnée par la Cour de cassation (2e Civ., 8 avril 2004, pourvoi n° 03-04.013, Bull. 2004, II, n° 190), ces cotisations et contributions revêtent le caractère de dette professionnelle".
En l'espèce, dans le cadre du traitement de sa situation de surendettement, la gérante majoritaire d'une SARL avait bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel. Autrement dit, ses dettes personnelles avaient été "effacées" aux termes d'une ordonnance rendue par le juge.
Cependant, quelques temps plus tard, la gérante est rattrapée par l'URSSAF qui lui réclame le paiement de cotisations sociales dont elle était débitrice au titre de son activité. Celle-ci oppose alors à l'URSSAF l'ordonnance rendue par le juge, considérant que la créance de cotisations sociales se trouvait éteinte du fait de l'effacement de ses dettes.
Mais de son côté l'URSSAF soutient que sa créance de cotisations sociales étant de nature professionnelle, celle-ci n'entre pas dans le périmètre des dettes effacées dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel dont la gérante a bénéficié.
On notera que la position de l'URSSAF n'est pas forcément très claire sur ce point, le régime social des indépendants (RSI, aujourd'hui réformé) ayant parfois considéré que ses créances de cotisations sociales constituaient - pour les cotisants - des dettes personnelles liées à leur personne.
Pour rappel, en cas d'impossibilité pour un débiteur de faire face à ses dettes, celles-ci peuvent faire l'objet d'un effacement total ou partiel. Mais les procédures d'effacement varient en fonction de la nature des dettes.
Ci-dessous, un tableau récapitulatif des procédures applicables en fonction de la nature des dettes :
Dans le cadre d'une procédure de surendettement, toute la question réside donc dans la qualification de la nature des dettes que l'on souhaite voir effacées.
L'avis de la Cour de cassation était à notre sens prévisible (et en tout état de cause, il est conforme aux textes), les dettes de cotisations sociales naissant naturellement au titre de l'exercice d'une activité professionnelle.
Il est néanmoins intéressant de noter que celle-ci aurait pu rendre un avis contraire en adoptant une lecture plus "fonctionnelle" et téléologique des textes.
Ainsi, comme l'ont relevé le conseiller référendaire dans son rapport et l'avocat général dans son avis, la Cour aurait aussi pu considérer que :
- le versement de cotisations sociales par un professionnel ayant notamment pour objet le financement de sa protection sociale face à la survenance de risques sociaux (maladie, invalidité etc), celles-ci revêtent le caractère d'une dette personnelle attachée à la personne du débiteur.
- la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prévue par le code de la consommation ayant pour objet le redressement de la situation financière du débiteur, ceci afin de lui permettre de reprendre une "vie normale" (ou en tout cas de ne pas aggraver sa situation de façon irrémédiable), la dette de cotisations sociales - bien que née au titre de l'exercice d'une activité professionnelle - se trouve ipso facto effacée du passif du débiteur.
En outre, un point d'interrogation subsiste concernant le cas particulier de l'entreprise individuelle (ex : statut auto-entrepreneur). En effet, contrairement au patrimoine des professionnels exerçant en société, celui des professionnels exerçant sous forme d'entreprise individuelle n'est pas protégé par "l'écran" formé par la personnalité morale de la société (l'entreprise individuelle n'étant pas une société au sens juridique, elle en est dépourvue).
De ce fait, le patrimoine de l'entreprise individuelle correspond en pratique au patrimoine personnel de l'entrepreneur : ainsi, qu'elles soient de nature personnelle ou professionnelle, les dettes de ce dernier seront de toute façon payées sur son patrimoine personnel si besoin est. Dans cette hypothèse, est-il vraiment opportun de distinguer les dettes selon leur nature afin de déterminer la procédure applicable ? Cela ne revient-il pas à vider de sa substance l'une ou l'autre des procédures ?
A méditer...
Adrien VAGINAY | Droit et Stratégie des Entreprises
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