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Salaires versés aux apprentis : l'articulation entre prélèvement à la source et exonération d'IR

Salaires versés aux apprentis : l'articulation entre exonération d'IR et prélèvement à la source

Les salaires perçus par les apprentis sont exonérés d'impôt sur le revenu (IR) dans la limite du montant annuel du SMIC (art. 81 bis du CGI), soit 17 763 € pour l'année 2017. Au-delà de ce seuil, seule la fraction excédentaire est à déclarer.

Exemple : En 2017, Mme Y a perçu 20 000 € de salaires au titre de son contrat d'apprentissage. En 2018, elle devra donc déclarer 20 000 - 17 763 = 2 237 €. En l'absence d'autres sources de revenus, cette somme sera soumise - après retraitements (abattement, décote...) - au taux de 0 % prévu pour la première tranche de l'IR (revenu net imposable compris entre 0 € et 9 807 €). En effet, les sommes exonérées n'entrent pas en compte dans la détermination des tranches d'imposition applicables. Ainsi le total des salaires de 20 000 € perçus par Mme Y n'entraîne pas l'imposition des 2 237 € à déclarer au taux de 14 %, taux correspondant à la 2ème tranche d'imposition applicable à la fraction du revenu net imposable comprise entre 9 807 € et 27 086 €.

Il est à noter que dans le cadre d'une formation en alternance, seuls les revenus versés au titre d'un contrat d'apprentissage sont exonérés d'IR. Les salaires versés au titre d'un contrat de professionnalisation sont en effet imposables dans les conditions de droit commun.

Dans le cadre du prélèvement à la source (PAS) dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2019, les employeurs - en leur qualité de tiers-payeurs - devront prendre en compte l'exonération d'IR à laquelle les salaires versés à leurs apprentis sont éligibles. Concrètement cela signifie qu'à chaque versement, les employeurs vont devoir suivre le cumul des revenus versés à leurs apprentis. Mais pas de panique ! si le prélèvement à la source ne facilitera pas la tâche aux entreprises, les éditeurs de logiciels de paie ont déjà tout prévu pour ces cas particuliers.

Au niveau des obligations déclaratives, le traitement des salaires versés sera donc le suivant :

1) Tant que le total des salaires versés est inférieur au seuil prévu par la loi : ces sommes n'étant pas imposables, elles ne doivent pas être soumises au prélèvement à la source de l'IR. Cependant elles doivent être mentionnées en tant que rémunération nette fiscale (RNF) potentielle dans la déclaration sociale nominative (DSN) ou, le cas échéant, dans la déclaration PASRAU (employeurs de la fonction publique). Du point de vue de l'apprenti, son salaire brut restera donc égal à son salaire net (de charges sociales et d'IR).

2) Si en cours d'année le versement d'un salaire entraîne le dépassement du seuil : il convient alors de ventiler entre RNF et RNF potentielle. Ainsi, la fraction du salaire excédant le seuil doit être mentionnée en RNF alors que la fraction restant en-deçà du seuil doit être renseignée en RNF potentielle. Tous les salaires qui seront versés ultérieurement au cours de la même année fiscale seront mentionnés en RNF pour la totalité de leur montant. Pour l'apprenti, si l'excédent dépasse la première tranche d'imposition au taux de 0 % (ce qui est très peu probable), cela signifiera un salaire net mensuel inférieur de x% par rapport au salaire net mensuel qu'il percevrait actuellement sans prélèvement à la source de l'IR.

Dans le cas où un apprenti enchaînerait successivement 2 contrats d'apprentissage au cours d'une même année civile (ce qui est fréquent en pratique), le nouvel employeur n'a pas à prendre en compte les revenus versés à ce dernier par l'ancien employeur. Cette information étant strictement personnelle, il n'y a pas accès. Et cela vaut pour toutes les sources de revenus des salariés.

Legistrat confidentialité des données du salarié
Dans le cadre du PAS, le taux individualisé transmis par la DGFiP à l'employeur est protégé par le secret professionnel

Le seuil prévu par la loi ne doit pas (plus) faire l'objet d'un ajustement au prorata temporis

L'article 81 bis du CGI prévoit l'exonération (d'IR) des revenus perçus par les apprentis "dans la limite du montant annuel du salaire minimum de croissance".

Pendant longtemps, l'administration fiscale a interprété cette disposition ainsi : la référence au montant "annuel" du SMIC suppose implicitement que le seuil ne s'applique "au taux plein" qu'à la condition que le contrat d'apprentissage au titre duquel les revenus ont été perçus ait été exécuté sur la totalité des 12 mois de l'année fiscale. En revanche si le contrat a été exécuté sur une période plus courte, il convient alors d'ajuster le seuil au prorata temporis (= seuil proratisé en fonction du nombre de mois travaillés).

Exemple : Ayant débuté son contrat d'apprentissage dans l'entreprise X au 1er septembre 2017, Mme Y a perçu 4 mois de salaires de cet employeur sur l'année 2017 pour un montant total de 7 000 €. Ce montant étant inférieur à 17 763 €, en principe celui-ci n'est pas imposable. Cependant, l'administration fiscale considère que dans la mesure où Mme Y n'a travaillé que 4 mois en 2017 au titre de son apprentissage au sein de l'entreprise X, le seuil applicable n'est pas égal à 17 763 € mais à 4/12 de ce montant soit 5 921 €. De ce fait, elle doit déclarer 7 000 -  5 921 = 1 079 €.

Il s'agissait d'un raisonnement somme toute "logique", et des apprentis - qui pourtant n'ont pas forcément connaissance de cette ancienne doctrine administrative - partagent encore cette "croyance" aujourd'hui !

Mais il y a 5 mois, par un arrêt en date du 22 décembre 2017, le Conseil d'État est venu contredire ce raisonnement dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir : l'article 81 bis du CGI ne prévoyant aucun ajustement du seuil d'exonération au prorata temporis de la durée de l'apprentissage, ce seuil s'applique "au taux plein" quelle que soit la durée travaillée au cours d'une année N. Donc dans notre exemple ci-dessus, le seuil d'exonération applicable aux total des revenus perçus par Mme Y pour les 4 mois travaillés en 2017 est bien de 17 763 € et non de 5 921 € (seuil proratisé).

L'administration a donc du modifier sa position et adapter ses supports de communication en conséquence. Il n'en reste pas moins qu'employeurs et apprentis doivent eux aussi prêter attention à cette règle de "non proratisation".

Ainsi, en cas d'embauche sous le statut d'apprenti en cours d'année civile (souvent au mois de septembre) :

- Dans le cadre du prélèvement à la source de l'IR, l'employeur ne doit pas ajuster le seuil d'exonération indiqué par défaut par le logiciel de paie au prorata du nombre de mois travaillés : il risque de transmettre des données erronées à la DGFiP, et éventuellement d'engager sa responsabilité.

- Lorsqu'il procède à sa déclaration d'impôts (y compris à compter de 2019, le prélèvement à la source ne signifiant pas 0 déclaration), l'apprenti ne doit pas non plus proratiser ce seuil : il risque de déclarer des revenus qui n'ont pas à l'être, et donc de payer des impôts dont il n'est pas redevable. En outre, même si la déclaration de revenus normalement exonérés ne déclenche pas d'imposition (ou plus précisément une imposition au taux de 0 %), elle vient mécaniquement augmenter le revenu fiscal de référence (RFR) de l'apprenti et peut donc réduire les éventuelles prestations qu'il perçoit de sa CAF (APL, prime d'activité...).

Pour rappel, les sommes versées par erreur au Trésor Public peuvent être réclamées au plus tard le 31 décembre de la 2ème année qui suit celle de la mise en recouvrement de l'IR (date indiquée sur l'avis d'imposition).

Adrien VAGINAY  |  Droit et Stratégie des Entreprises



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