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Cession d'entreprise : l'audit d'acquisition (due diligence)

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L'audit d'acquisition est avant tout comptable et financier

L'audit d'acquisition (due diligence) : une précaution essentielle pour l'acquéreur

En tant qu'acquéreur, vous avez établi contradictoirement la lettre d'intention (ou L.O.I.). Celle-ci a été signée par le cédant et vous-même : il est temps de procéder à l'audit d'acquisition, conformément à ce qui a été convenu.

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Qu'est-ce qu'un audit d'acquisition et à quoi sert-il ?

Dans le cadre d'une cession d'entreprise, l'acquéreur est confronté à une difficulté importante : contrairement au cédant, il ne connaît pas l'entreprise. Autrement dit, il n'a aucune garantie que le prix de cession provisoire reflète bien la valeur réelle des titres dont la cession est projetée. En outre, il ne dispose d'aucune information - autre que celles fournies oralement par le cédant - concernant les risques pesant sur la société (contrôles fiscaux, litiges en cours, engagements divers etc).

Or l'audit d'acquisition - qui est avant tout comptable - a précisément pour but de donner à l'acquéreur une image fidèle et complète de la situation financière et patrimoniale de la société à un instant T, ceci afin de le mettre en mesure d'apprécier au mieux la valeur de l'entreprise : c'est ce qu'on appelle une situation (comptable) intermédiaire. Si cette précaution n'est pas rendue obligatoire par la loi, il est fortement recommandé à tout acquéreur de ne pas faire l'impasse dessus ! à plus forte raison si l'exercice social est clos depuis plus de 6 mois, les comptes annuels n'étant alors plus représentatifs de la situation réelle de l'entreprise.

Quel format pour un audit d'acquisition ?

Concrètement, deux formats peuvent être envisagés :

1) L'audit sur pièces : le conseil du cédant transmet au conseil du cessionnaire l'ensemble des documents demandés (statuts, comptes des 3 derniers exercices sociaux etc). Dans ce cas, les pièces sont communiquées par voie électronique et leur analyse se fait dans les locaux du conseil du cessionnaire. Cette modalité est privilégiée lorsque l'audit d'acquisition se limite à un audit comptable et dans les cas où le calendrier des opérations est relativement "serré".

2) L'audit sur place : l'audit est réalisé directement dans les locaux de l'entreprise cédée. Cela se traduit souvent par la mise en place d'une data room, autrement dit une salle dans laquelle tous les documents sont réunis. Généralement, les documents mis à disposition ne peuvent sortir des locaux de l'entreprise. Toutefois, il peut être convenu que le cessionnaire emportera une copie des pièces si besoin est. De même, en cas de pièces manquantes, il peut également être prévu que le cessionnaire pourra se les procurer auprès des salariés de l'entreprise. Dans ce cas, il est fortement recommandé au cédant de communiquer au préalable auprès de ses salariés à propos du projet de cession. Il est en effet important de préserver le climat social dans le cadre d'une cession d'entreprise, mieux vaut donc communiquer bien en amont de l'opération.


Legistrat caricature cession entreprise

Concernant la durée de l'audit, celle-ci varie en fonction de la taille de l'entreprise (ou du groupe, s'il s'agit du rachat d'un groupe). Ainsi, un audit peut durer une journée comme une semaine ! On notera cependant que sauf le cas des grands groupes, un audit dépassera rarement une semaine. L'acquéreur doit aussi être conscient qu'un audit coûte cher : plus celui-ci sera long, plus la facture sera élevée. Mais encore une fois, il s'agit d'une précaution essentielle pour lui.

Quels sont les points de vigilance lors d'un audit d'acquisition ?

Il n'y a pas de réponse "toute faite" à cette question, car tout dépend de ce que recherche le cessionnaire. Néanmoins, indépendamment de la volonté de ce dernier, il y a des points que tout conseil (et, le cas échéant, tout consultant) se doit de vérifier.

Si l'audit d'acquisition est avant tout comptable et financier, celui-ci ne se limite pas toujours à ces domaines. C'est pourquoi les points de vigilance peuvent être nombreux !

En effet, l'audit est également (et nécessairement) juridique : les statuts, les registres d'assemblées générales, les registres des mouvements de titres ou les actes de cession de parts, les éventuelles autorisations administratives, les différents contrats et tous autres documents juridiques seront passés au peigne fin. L'objectif premier est de vérifier que le cédant est bien propriétaire des titres dont la cession est projetée : il n'y a généralement pas de débat à ce sujet, mais dans le cas contraire c'est toute la cession qui tombe à l'eau. 

Ensuite on va vérifier que l'entreprise est bien en conformité avec les dispositions légales en vigueur (ex : si les locaux accueillent du public, sont-ils en conformité avec les normes applicables aux ERP ?), que les baux sont à jour et seront maintenus suite à la cession, ou encore que les différents contrats ne comportent pas de clauses potentiellement contraignantes pour la cession ou nécessitant l'agrément d'un tiers (ex : covenants bancaires et autres clauses insérées dans les contrats de prêt, clauses d'agrément dans les contrats de concession etc)De même, on va dresser la liste des procédures contentieuses ou judiciaires et des litiges en cours et vérifier qu'ils ont été correctement provisionnés dans les comptes. 

Eplucher l'ensemble de ces documents est un travail de longue haleine mais nécessaire, car le refus d'un tiers d'agréer le cessionnaire peut remettre en cause la cession.


Legistrat documents audit
L'audit est aussi nécessairement fiscal : on portera une attention toute particulière aux événements ayant eu un impact fiscal et qui se sont produits au cours des 3 années précédent celle durant laquelle à lieu l'audit (note : au-delà de cette période, le droit de reprise de l'administration fiscale est prescrit). Ainsi, la liasse fiscale et les différents documents juridiques (PV d'AG et autres) seront analysés afin d'identifier les opérations intéressant le droit fiscal : cessions de droits sociaux, distributions, fusions, transmissions universelles de patrimoine (TUP) etc. La même attention sera portée sur les éventuels contrôles fiscaux passés ainsi que sur ceux de l'URSSAF (rappels de cotisations etc).

Bien souvent, l'audit est également social : cet audit a pour but de faire un état des lieux concernant le nombre de salariés et leurs fonctions, le détail des rémunérations et des avantages, les litiges en cours avec des (anciens) salariés, les licenciements en cours ou encore le taux de turn-over.

Ensuite en fonction des points importants pour le cessionnaire et des spécificités du secteur d'activité, l'audit pourra prendre la forme :

- D'un audit organisationnel : cet audit se situe au niveau opérationnel et permet de procéder à l'inventaire et à l'analyse des ressources, des compétences et des processus de l'entreprise. Si le cessionnaire est étranger au secteur d'activité, l'audit peut également revêtir une dimension stratégique : une analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces) peut ainsi être envisagée afin de cartographier l'environnement interne et externe dans lequel évolue l'entreprise. L'intérêt de cet audit est de mettre en évidence les forces et les faiblesses de la société cible, lesquelles entreront en compte dans les dernières négociations avant la signature du protocole d'accord (la mise en évidence d'un potentiel faiblement exploité permet en effet à l'acquéreur de se montrer plus "flexible" sur certains points de négociation).

D'un audit du système d'information (SI) : comme son nom l'indique, cet audit sert à dresser l'état des lieux concernant le système d'information de l'entreprise. Compte tenu du coût et du caractère stratégique que revêt le SI d'une entreprise, il peut être utile de procéder à ce type d'audit.

D'un audit environnemental : cet audit n'est réellement utile qu'en présence d'une activité polluante (ex : certaines activités industrielles, entreprises de transport, concessions automobiles etc). Dans le cadre de cet audit, il peut être envisagé certaines opérations - comme des carottages dans les sols - afin de mesurer la pollution générée par l'activité. Cependant si les analyses révèlent une pollution suffisamment élevée pour nécessiter une quelconque remise en état, cette opération devra faire l'objet de nouvelles négociations au moment de la signature du protocole.


Legistrat matrice SWOT

Et après l'audit d'acquisition ?

Le rapport d'audit doit être transmis au cédant ainsi qu'à son conseil. En fonction des résultats, les parties seront amenées à renégocier certains points de désaccord puis à entériner leurs engagements dans le protocole d'accord.

Le protocole d'accord (ou protocole de cession des titres) est un acte préalable à la cession définitive, laquelle est parfois appelée "closing". Doté d'une véritable force obligatoire, celui-ci énonce les termes et conditions suspensives de la cession (ex : obtention par le cessionnaire des prêts nécessaires à l'acquisition).

Il est à noter que dans le cadre de certaines cessions, les étapes sont "inversées" : la signature du protocole d'accord intervient parfois avant la réalisation de l'audit, le but étant notamment "d'inciter" l'autre partie à mener la cession à son terme (rappel : la lettre d'intention, au demeurant facultative, ne revêt pas en principe de caractère contraignant)

Cependant cette pratique présente un risque majeur pour l'acquéreur : celui de se désister malgré les engagements pris aux termes du protocole d'accord, en raison des résultats de l'audit qui s'avèrent finalement très négatifs. Dans cette hypothèse, le cessionnaire engagerait sa responsabilité contractuelle à l'égard du cédant (= paiement de dommages-intérêts), sans préjudice des sommes immédiatement dues au titre de la clause pénale insérée dans le protocole (note : cette précaution prise par les parties est courante) et de toutes sommes éventuellement engagées par le cédant pour les besoins de l'opération.

Les dernières négociations et leur entérinement dans le protocole d'accord feront prochainement l'objet d'un article sur LegiStrat.

Adrien VAGINAY  |  Droit et Stratégie des Entreprises

Note : cet article est le second d'une série de 6 articles concernant les cessions d'entreprise par acquisition de 100 % des titres d'une société, tous abordés du point de vue du cessionnaire.



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